124 officiers généraux américains réunis sous l’appellation « Flag Officers 4 America » dont la plupart sont à la retraite depuis des années, voire des décennies, ont publié le 10 mai une lettre ouverte prétendant que le président Joe Biden avait « volé » son élection en affirmant :

« l’intégrité électorale exige de s’assurer qu’il y a une voix légale exprimée et comptée par citoyen » reprenant par là les arguments d’une partie du camp de Donald Trump qui a contesté le résultat de l’élection présidentielle américaine de 2020.

Les signataires expriment ainsi leur sentiment sur une « tricheries » en faveur de Biden et mettent en garde contre un « profond péril » et une « attaque délibérée contre nos droits constitutionnels ».
Ils poursuivent : « sous un Congrès démocrate et la présente administration, notre pays a effectué un violent virage vers le socialisme et un gouvernement marxiste tyrannique qui doit être contré dès maintenant en élisant des candidats aux élections du Congrès et à la présidence qui agiront toujours pour défendre notre République constitutionnelle ».
Ils posent aussi la question de « la condition mentale et physique du Commandant en chef » (qui détient la décision finale d’appuyer sur le bouton nucléaire) :« [Joe Biden] doit être capable de prendre rapidement des décisions précises en matière de sécurité nationale impliquant la vie et l’intégrité physique n’importe où, de jour comme de nuit ».

Par ailleurs, ils ciblent la dérive « dictatoriale » de la nouvelle administration « avec plus de 50 décrets exécutifs rapidement signés » et ses attaques jugées contraires aux libertés telles que les « confinements excessifs, la fermeture d’écoles et d’entreprises et, le plus alarmant, la censure de l’expression écrite et verbale ». Dramatisant la scène, ils assènent « nous sommes dans un combat pour notre survie en tant que République constitutionnelle comme cela n’a jamais été le cas depuis sa création en 1776 (1) ».

Le courrier énumère ensuite plusieurs reproches sur les points clés des premiers mois de Joe Biden aux affaires, comme les relations des États-Unis avec l’Iran et la Chine (qualifiée de « plus grande menace extérieure ») ou encore l’annulation du projet de l’oléoduc Keystone XL (qui relie le Canada aux États-Unis) accusé d’« éliminer [l’]indépendance énergétique [des USA] ».

En retour, les critiques sont nombreuses, certains experts dénonçant une « utilisation honteuse de leur grade et de leur réputation militaire pour une attaque partisane énorme et flagrante » également jugée « anti-démocratique ».

Des connexions avec l’extrême droite du parti Républicain sont soupçonnées. Il est vrai que cette lettre rejoint ce que pensent certains supporters de l’ex-président Trump qui persistent à ne pas reconnaître sa défaite électorale. De nombreux militaires, également en retraite, mais aussi d’active, ont dénoncé cette lettre en disant qu’elle entraînait l’armée dans des « affrontements partisans ».

Il est aussi fait remarquer qu’aucun général « quatre étoiles » (le plus haut grade aux USA) à la retraite n’avait signé le texte, ce qui prouverait que ces signataires sont marginaux au sein des forces armées et donc peu représentatifs. Ils sont aussi accusés de « violer leur obligation d’apolitisme dans des buts partisans ».

Bien sûr, des observateurs ont fait le rapprochement avec ce qui venait de se passer en France, les « officiers généraux français ayant inspiré leurs homologues américains ». C’est ignorer que les militaires américains s’impliquent très souvent dans la vie politique de leur pays, en particulier au moment des élections(2). L’exemple le plus récent date de septembre 2020. Plus de 200 généraux et amiraux retraités, pour beaucoup de fraîche date, ont apporté leur soutien au « candidat » Joe Biden via une « lettre ouverte » car, pour eux, Donald Trump avait été incapable d’« atteindre ses objectifs grands et petits ». Et parmi les signataires, il y avait 22 officiers généraux « quatre étoiles ». Personne n’avait trouvé rien à y redire…

1. La Déclaration unanime des treize États unis d’Amérique appelée « Déclaration d’indépendance des États-Unis d’Amérique » du 4 juillet 1776. Depuis, cette date est devenue la fête nationale des USA appelée l’Independance Day.
2. C’est pour cela que la lettre de mai 2021 tombe à un curieux moment alors qu’il n’y a aucun enjeu électoral.

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Texte

Alain Rodier

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