En avril 2021, la Maison-Blanche a été informée par ses services de renseignement qu’il y avait peu de probabilités que la Russie ait offert des récompenses aux taliban pour la mort de tout soldat américain en Afghanistan.

Cette nouvelle diffusée par le New York Times en juin 2020 suite à des fuites savamment orchestrées avait défrayé la chronique durant la campagne présidentielle américaine. Elle avait permis à Joe Biden d’accuser le « candidat » Donald Trump de ne pas suffisamment interpeller Moscou sur ce sujet et de détourner le regard sur les transgressions de Vladimir Poutine, même au prix du sang américain. Barack Obama a aussi mentionné ce renseignement dans l’un de ses discours de soutien à Biden. Trump avait bien tenté d’expliquer que c’était une « fake new » que les services de renseignement ne lui avaient pas transmis car ils la jugeaient déjà erronée. Mais rien n’y a fait, dans l’ambiance survoltée de la campagne, il n’avait pas été cru.

Ce scoop avait été repris dans le monde occidental de manière quasi hystérique pour participer à la campagne kremlinophobe pratiquée depuis des années par les Anglo-Saxons qui s’inventent des « ennemis » (qu’ils finissent – à leur plus grande satisfaction – par créer par sentiment de rejet) dont leurs complexes militaro-industriels et du renseignement ont besoin pour justifier leurs dépenses faramineuses. À son habitude, l’Europe avait suivi comme un seul homme d’autant que cela alimentait les angoisses des pays Baltes et de la Pologne face à la menace représentée par l’ours russe(1).

La secrétaire de presse Jen Psaki , une porte parole de Joe Biden, a déclaré le 13 avril que les services de renseignement US estimaient ce renseignement avec « un niveau de confiance bas à modéré » car il aurait été recueilli auprès de prisonniers afghans dont les aveux peuvent être sujet à caution. Elle a ajouté que les services de renseignement ne pouvaient toutefois pas l’ignorer et avaient enquêté sur ce sujet, vraisemblablement sans obtenir de résultats (sinon, on en aurait entendu parler dans la presse). Il est évident que ceux qui étaient à la base de cette information ne pouvaient totalement se dédire et donc, ils n’ont pas dit qu’elle était fausse mais de crédibilité « basse à modérée ». Il est utile de savoir que les services bien nés ne diffusent aux autorités des renseignements que lorsqu’ils ont un minimum de crédibilité de 70% tout en prenant les précautions nécessaires pour les plus bas niveaux. Inutile de préciser que le 100% de certitudes est exceptionnel en matière de renseignement…

En avril, la Maison-Blanche a décrété une série de sanctions à l’égard de la Russie pour d’autres sujets : les attaques informatiques et des actions « hostiles » sans compter le « cas Navalny »(2). Mais il n’a pas été question de ces « mise à prix » d’autant que Joe Biden vient d’annoncer le retrait des boys d’Afghanistan pour le 11 septembre 2021.
Enfin, Washington n’apprécie pas que Moscou ose répondre aux sanctions par des mesures similaires (par exemple, dix diplomates expulsés des deux côtés). Mais la Russie garde un avantage du côté diplomatique : elle peut très bien exiger que Washington s’aligne sur le même nombre de diplomates en poste. Les Américains ont encore une bonne centaine à perdre.

1. La réaction de la Pologne et des pays baltes est compréhensible tant leur Histoire a été douloureuse du temps de la splendeur de l’URSS qui voulait étendre le marxisme-léninisme au monde entier. Ces pays en furent les premières victimes. Ils n’ont pas compris que Moscou n’a plus d’idéologie à exporter et que ses volontés invasives sont nulles. La Crimée et l’Ukraine sont une autre problématique qui doit être traitée séparément.
2. Selon les errements actuels, Moscou pourrait très bien défendre le cas de Julian Assange

Publié le

Texte

Alain Rodier

Photos

DR