Le programme SCAF (Système de combat aérien du futur) est à la croisée des chemins, depuis qu’un lourd désaccord a éclaté au grand jour, il y a trois semaines, entre l’Allemagne et la France. En effet, Berlin met la pression pour arracher le maximum de parts dans le programme, dans une sorte de poker menteur.
Début 2021, le gouvernement allemand veut qu’Airbus développe son propre démonstrateur à partir de l’Eurofighter, alors que, à l’origine, Dassault, leader sur ce programme, en avait la responsabilité. Déjà, l’avionneur français ne se retrouve plus qu’avec un tiers des « lots de travaux ». Airbus est pourtant bien loti, à qui revient l’architecture globale du projet. Et les industriels allemands impliqués dans le programme souhaitent que des systèmes très pointus soient partagés en « open source ».
Sans oublier que l’Allemagne revendique pour son motoriste MTU une charge égale à celle du français Safran, pourtant connu pour être l’un des meilleurs constructeurs de moteurs d’avions au monde. Les Allemands semblent mettre une telle pression qu’un échec du programme SCAF n’est pas exclu.
Or, selon les experts, ces derniers n’ont pas de plan B. S’ils quittent le programme et rejoignent le programme anglais Tempest, ils ne seront pas en position de force face aux Britanniques, qui ne céderont sur rien et encore moins sur la motorisation. L’intransigeance des Allemands reste une position de façade, car leur champ de manoeuvre est très réduit, leur industrie aéronautique est très impliquée dans ce programme, où elle a tout à gagner.
Sans parler du symbole de la coopération européenne – auquel le Bundestag est attaché –, qui en prendrait un coup. Le gouvernement français joue la montre, en regardant le calendrier électoral allemand. Et on se demande, par exemple, si les sanctions infligées à Airbus ne tomberaient pas, au cas où l’Allemagne aurait la bonne idée d’acheter des avions de combat américains, des F-35 (1), et des avions de patrouille maritime, par la même occasion ! Le SCAF est un système offensif, ce que souhaite la France.
Or, l’Allemagne ne veut pas un bombardier, mais un intercepteur. Si la coopération sur le SCAF s’arrête, il est probable que la collaboration pour le MGCS (2) ne continuera pas. Et il en sera peut-être de même pour le programme MAWS (Maritime Airborne Warfare System) et certainement pour l’Eurodrone. Il est vrai que, dans le passé, nombre de programmes européens d’avions et de chars ont avorté. Toutefois, mettre fin à ce projet franco-allemand, ce serait faire le jeu des Américains, qui souhaitent voir finalement Berlin acheter des F-35 de 5e génération, comme plusieurs autres pays européens, en attendant celui de la 6e génération (américain évidemment). Paris tient au programme SCAF. Mais si la France décide de faire cavalier seul, comment financera-t-elle le développement du SCAF et son acquisition ?
1. Acheter le F-35 que la Luftwaffe souhaitait avoir ne fera pas travailler la BITD allemande.
2. Le Système de combat terrestre principal, en anglais MGCS pour Main Ground Combat System, est le projet d’armement franco-allemand lancé en 2012 pour développer un char de combat principal.
Bonne lecture.
Eric Micheletti
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