Cela fait des décennies que le PKK a installé sa plus importante base arrière et son état-major sur les flancs des monts Qandil dans le Nord-Est de l’Irak placé sous administration du Gouvernement Régional Kurde (GRK) qui rassemble (entre autres) les deux formations politiques historiques que sont le Parti Démocratique Kurde (PDK) du clan Barzani et l’Union Patriotique du Kurdistan (UPK) du clan Talabani.
À la mi avril, le GRK dominé par le PDK a installé un camp militaire retranché dans la passe montagneuse de Zini Warte qui relie les plaines de Ranya au sud et les frontières turque et iranienne au nord. La raison invoquée était la lutte contre la contrebande (traditionnelle dans cette région) et contre l’épidémie de coronavirus obligeant à contrôler les passages venant d’Iran. Problème, ce point de passage obligé mène aussi aux monts Qandil et permet aux activistes indépendantistes de rejoindre la Turquie pour y mener des opérations ponctuelles. L’UPK a protesté énergiquement contre cette mesure unilatérale prise par son vieux concurrent du PDK. De plus, en réponse à ce qu’il considère comme étant une « provocation » le PKK qui, depuis des années est libre de ses mouvements dans la zone, a installé un campement à proximité du camp militaire du GRK. Comme par hasard, constituant un objectif bien défini, cette installation a été bombardée le 20 avril par des aéronefs turcs qui auraient neutralisé plus d’une dizaine d’activistes. Zagros Hiwa, le porte-parole de l’Union des Communautés du Kurdistan (UCK) qui regroupe les formations rebelles indépendantistes kurdes dont la plus importante est le PKK, a affirmé qu’il n’acceptait aucune présence militaire (même kurde irakienne) dans cette région. Il a ajouté que des espions turcs s’étaient glissés dans les rangs des Peshmergas (ce qui expliquerait la précision des tirs des aéronefs turcs) et que tout cela n’était que la préparation d’une grande offensive que l’armée turque –
qui bénéficie déjà d’au moins onze points d’appui au Kurdistan irakien – allait lancer contre les monts Qandil pour en déloger le PKK.
Plusieurs éléments laissent à penser que les craintes du PKK sont justifiées. Ankara poursuit une politique globale vis-à-vis de ce que la Turquie qualifie de « problème kurde ». Après avoir sécurisé sur Sud-Est de la Turquie (le sud-est anatolien) le quadrillant de postes militaires et menant une guerre de « commandos de chasse », le tout appuyé par une aviation puissante et performante, Ankara a commencé à s’occuper du problème du Kurdistan syrien en lançant trois offensives militaires qui lui ont permis de compartimenter cette entité géographique (les Kurdes syriens étant tous considérés comme des « terroristes » par les Turcs).
En Irak du Nord, depuis des années, Ankara s’était attiré le concours du PDK en permettant au GRK de vivre grâce à son pétrole qui transite par la Turquie pour déboucher sur la Méditerranée. Le problème est plus complexe avec l’UPK qui – situation géographique oblige, ce mouvement occupant des régions frontalières de l’Iran – est plus proche de Téhéran.
Chasser le PKK des monts Qandil est une obsession d’Ankara, mais la tâche tactique est difficile tant le terrain montagneux et les nombreuses caches établies depuis des années rendent toute offensive plus que délicate. Cela pourrait constituer un bourbier ingérable à terme, que ce soit sur le plan militaire et diplomatique. Il est vrai que dans ce domaine, les actions illégales (sans l’accord des Nations Unies) menées sur des territoires étrangers ont tendance à devenir monnaie courante.
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