Quelques jours avant les attentats de Trèbes et l’intervention de l’antenne toulousaine du GIGN, RAIDS était dans le Vaucluse pour participer à plusieurs exercices axés sur le contre-terrorisme. Créée en 2007 sous l’appellation PI2G, opérationnelle au 1er janvier 2008, l’antenne GIGN d’Orange vient de fêter ses 10 ans d’existence. Depuis leur passage sous le commandement opérationnel du GIGN en 2016, les unités zonales métropolitaines ont vu leurs capacités opérationnelles et leurs moyens en matériel se renforcer pour faire face aux nouvelles menaces.

L’actualité vient de démontrer une fois de plus que la menace terroriste sur le sol français est omniprésente. Depuis les attentats de Paris en 2015, la donne pour les forces de l’ordre a totalement changé. Aujourd’hui, il faut intervenir vite et contenir le plus rapidement possible la menace afin de limiter les effets des attaques perpétrées par des terroristes. Pour faire face à ce type de situation, une procédure d’urgence absolue a été mise en place par l’ancien ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve. Ce plan a permis de redéfinir les modalités et les moyens d’action des forces de l’ordre et des primo-intervenants en attendant l’arrivée de personnels spécialisés du GIGN. 

Malgré les moyens héliportés mis à sa disposition par le groupe interarmées d’hélicoptères (GIH), le GIGN, de par sa situation géographique, ne peut intervenir en quelques minutes à l’autre bout de la France. Une force de réaction rapide régionale a donc été constituée afin de pouvoir réagir en un minimum de temps. Son objectif est de fournir une réponse opérationnelle immédiate face à la menace. Celle-ci est aujourd’hui constituée d’un réseau de pelotons de surveillance et d’intervention de la gendarmerie (PSIG) « Sabre » et d’antennes GIGN, déployés sur tout le territoire national.

Adaptation et réactivité

 

Unités d’intervention de proximité, les six antennes GIGN en métropole (Toulouse, Reims, Dijon, Orange, Nantes et Tours) et les sept d’outre-mer (Guadeloupe, Martinique, Guyane, La Réunion, Mayotte, Nouvelle-Calédonie, Polynésie française) constituent aujourd’hui le maillage opérationnel d’intervention sur tout le territoire national. Chaque antenne en métropole aligne une trentaine de personnels. Ceux-ci sont soumis à un régime d’alerte inférieur à 30 minutes et doivent à tout moment être en mesure d’intervenir dans leur zone d’action, mais aussi hors zone sur décision de la Direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN).

Pour la plupart d’entre elles, les antennes GIGN ont pris la place des pelotons d’intervention interrégionaux de gendarmerie (PI2G) en métropole et des groupes de pelotons d’intervention (GPI) dans les DOM-TOM. Depuis que ces unités ont été placées sous le contrôle opérationnel du GIGN à Satory, toutes les opérations menées par les unités zonales sont préalablement approuvées et validées par l’état-major opérationnel (EMOPS) du GIGN. Ce dernier est en charge de donner le feu vert pour toutes les missions d’intervention. L’EMOPS coordonne l’ensemble des actions, décide quelle unité doit intervenir et peut mobiliser une équipe de la force d’intervention (FI) en premier lieu, si le commandement juge que c’est l’unité nationale qui doit intervenir en priorité. Les opérations menées au sein des antennes sont variées. Ces dernières sont chargées d’effectuer des arrestations domiciliaires (grand banditisme, trafiquants de drogue, personnes retranchées avec des armes) ou, en milieux ouverts, des opérations de recherche de malfaiteurs ou de détenus évadés, des transferts de prisonniers sensibles, des missions de reconnaissance et de renseignement, des interventions sur sites sensibles (centrales nucléaires, industries Seveso, milieu carcéral…) et, si nécessaire, des opérations de contre-terrorisme. Pour les missions très techniques nécessitant l’intervention de moyens et de personnels spécialisés (détournement de transports de passagers, prises d’otages importantes, actions terroristes…), le rôle des personnels des antennes GIGN consiste à se déployer au plus près de la crise pour stabiliser la situation ou intervenir si elle dégénère durant le temps de projection du GIGN. Une fois les spécialistes sur place, les antennes constituent un appui à l’action. 

Le rythme d’engagement des gendarmes basés en région est assez soutenu. Chaque antenne effectue en moyenne une cinquantaine de missions par an. Ces opérations peuvent être préparées plusieurs jours à l’avance après des prises de renseignement sur le terrain, ou de façon spontanée s’il est nécessaire d’intervenir en urgence pour intercepter un convoi de produits stupéfiants ou pour neutraliser un forcené retranché. Les maîtres-mots de l’unité sont l’adaptation et la réactivité. Une équipe est en alerte 24 heures sur 24, prête à intervenir en quelques minutes quelle que soit la situation. Les véhicules d’intervention et le PC mobile sont toujours prêts et configurés avec tout le matériel d’intervention. C’est cette réactivité qui a notamment permis à l’équipe d’Orange d’intercepter en un temps record sur une aire d’autoroute de l’A7, en septembre 2016, deux suspects liés à l’affaire de la Peugeot 607, ainsi que des bonbonnes de gaz posées près de Notre-Dame de Paris. 

Au GIGN, le recrutement a toujours fait l’objet de sélections et de tests éprouvants. Les gendarmes qui souhaitent intégrer une antenne du GIGN suivent une formation initiale au maniement des armes, aux techniques de progressions tactiques et d’interventions, et à l’emploi de matériels spécifiques. Des exercices sont organisés quotidiennement par les instructeurs du GIGN, de jour comme de nuit. Ces phases d’entraînement sont menées à un rythme soutenu afin de pousser les postulants dans leurs retranchements. Des mises en situation permettent également aux instructeurs d’entraîner les gendarmes sur des cas concrets (arrestation domiciliaire, arrestation en milieu ouvert, surveillance et filature, contre-terrorisme, déclenchement d’un plan d’assaut immédiat…). Certains modules permettent aussi de travailler des cas d’intervention particuliers (Piratair, NRBC…). Les gendarmes qui ont réussi à suivre avec succès et motivation la formation initiale intègrent ensuite une des antennes sur le territoire.  

Une fois en unité, les personnels sont recyclés tous les deux ans. Le GIGN assure également la formation des personnels d’antennes dans le domaine des moyens d’acquisition du renseignement, de l’effraction, de la protection rapprochée de personnes sensibles. 

Le chef d’escadron Thierry assure aujourd’hui la liaison entre le GIGN et les antennes GIGN réparties sur le territoire. Gendarme expérimenté, le chef d’escadron Thierry est une véritable figure du Groupe. Il a participé à de nombreuses opérations depuis son entrée au GIGN. Tout naturellement, il apporte son expertise au profit des officiers qui dirigent les unités zonales.

Montée en puissance des unités zonales

 

La création des antennes GIGN en province est l’une des réponses à l’évolution de la menace terroriste qui impose une intervention rapide. « Depuis que les antennes sont passées sous le commandement opérationnel du GIGN, les capacités d’intervention et nos moyens ont été considérablement renforcés. A ce titre, l’appui logistique est une plus-value considérable », indique Arthur, le commandant de l’antenne GIGN basée dans le Vaucluse. L’officier est présent au sein de son unité depuis plus de six ans et a participé à toutes les phases de transition qui ont permis de transformer les PI2G en antennes GIGN. Ce changement de statut, de son point de vue, a permis de faire évoluer son unité sur tous les plans. « Nous bénéficions aujourd’hui de matériels de qualité encore performants et les personnels de mon équipe ont la capacité d’effectuer de nombreux stages au GIGN afin de monter en compétence dans différents domaines », précise l’officier. 

Pour preuve, depuis 2016, de nouveaux matériels ont été perçus. Il y a quelques mois, les antennes GIGN ont réceptionné plusieurs HK417. Ces derniers sont mis en œuvre par les équipes appui/observation (AO) pour des missions d’appui feu. Le HK417 est utilisé pour effectuer des tirs de précision à moyenne distance. Il peut également être présent au sein des colonnes d’assaut afin de fournir une meilleure capacité de percussion pour neutraliser des assaillants disposant d’une protection balistique lourde. L’arme est équipée de rails Picatinny, d’une lunette de tir longue distance ou d’un « point rouge » pour le tir réflexe, d’un amplificateur IR NSV 600, d’un boîtier laser couplé à une lampe tactique, et de différents accessoires (poignée, contacteur PTT…). Les personnels d’Orange et des autres antennes du GIGN sont également pourvus de HK G36 KA3, de fusils Benelli M4 Tactical en calibre 12, de fusils de précision Tikka T3 (7,62 x 51 mm) pour le tir à longue distance et de lance-grenades de 40 mm de type HK69 et LBD Brügger & Thomet. Le HK UMP en 9 mm est également en dotation et a supplanté le HK MP5 depuis près de trois ans maintenant.  Les gendarmes disposent aussi de Glock 19 et de Glock 26 (port dissimulé) en double dotation. 

Côté équipements individuels, de nouveaux gilets pare-balles NFM ont été réceptionnés au sein des antennes, ainsi que des tenues de protection balistique lourde « Goldorak » de Mehler pour les personnels en tête de colonne. Le bouclier TenCate Targa CPX 800TL est également présent au sein des groupes pour les interventions « musclées ». A noter que les antennes GIGN sont également équipées, pour intervenir dans des locaux enfumés, avec des recycleurs, ou de nuit, avec des dispositifs de vision nocturne de type Lucie.

Quant au parc de véhicules des antennes, il est plutôt bien fourni. Il regroupe des voitures et des utilitaires banalisés qui permettent aux gendarmes de passer inaperçus lors des filatures et des interventions. Plusieurs antennes métropolitaines ont également perçu un 4 x 4 Fortress 200 customisé par la société bretonne Centigon. Le Fortress Intervention est un monstre de 5 tonnes entièrement blindé et équipé d’un moteur V8. Son blindage est en mesure de stopper des tirs de fusils d’assaut et des éclats de grenade. Le véhicule a été élaboré en lien avec les ingénieurs de la cellule recherche et développement du GIGN, des opérationnels du GIGN et les équipes de Centigon. Conçu à partir d’un châssis de Toyota Land Cruiser, le Fortress peut accueillir un équipage de six personnes, deux à l’avant et quatre à l’arrière. Il est principalement mis en œuvre lors d’interventions risquées ou de prises d’otages, pour de la surveillance, des missions d’escorte, ou pour intercepter des cibles évoluant à vive allure. 

En dehors des moyens matériels, la formation du personnel reste également une priorité pour les antennes et pour le commandant du Groupe. Les unités zonales ont la chance de pouvoir s’appuyer, pour cela, sur des experts du GIGN. Des stages de formations spécifiques et de perfectionnement sont régulièrement organisés par le GIGN au profit de personnels d’antennes pour une durée deux à trois semaines. Plusieurs gendarmes d’Orange ont notamment été formés à l’emploi de moyens techniques d’acquisition du renseignement. Certains stages ont également été dispensés pour permettre aux équipes « effraction » d’utiliser des charges explosives d’effraction, et pour assurer la protection d’autorités en France et à l’étranger. Plusieurs gendarmes d’Orange sont désormais habilités à utiliser des explosifs pour mener des assauts dans un cadre contre-terroriste, et un personnel récemment formé au GIGN va, dans quelques semaines, partir en Irak afin de renforcer les effectifs de l’ambassade de Bagdad. L’objectif du commandement du GIGN est clair : faire monter graduellement en compétence certaines unités zonales afin de démultiplier ses capacités d’intervention en métropole, dans les DOM-TOM et à l’étranger.

Les spécificités de l’antenne d’Orange

 

De par sa situation géographique dans le sud-est de la France, l’antenne GIGN d’Orange est placée stratégiquement à la croisée des chemins entre l’autoroute du Sud, Marseille, Montpellier et Grenoble. Une grosse partie des activités de l’unité, en dehors de l’arrestation de délinquants de droit commun, est consacrée aux trafics de stupéfiants. Les interventions sont effectuées la plupart du temps aux domiciles des suspects et en milieux ouverts (extérieur, interception de convois de produits stupéfiants…). 

Lorsque les équipes ne sont pas en mission, elles ne cessent de s’entraîner et de monter des exercices réalistes afin de coller le plus possible à l’actualité du moment. Depuis les attentats du Bataclan, une partie importante de l’entraînement de l’antenne d’Orange est consacrée au contre-terrorisme. Aujourd’hui, près de 70 % des exercices sont dédiés à cette activité. Dans ce domaine, une des spécificités de l’antenne d’Orange est sa capacité à mener des opérations de contre-terrorisme maritime (CTM). L’unité a en effet été formée par le GIGN pour répondre à l’urgence d’une attaque terroriste et intervenir ainsi en mer sur des ferries ou sur des cours d’eau à bord de péniches. Depuis quelques mois maintenant, l’antenne GIGN s’entraîne d’arrache-pied avec le GIGN et les commandos Marine pour mener à bien ce type de mission. Le secrétariat général de la Défense et de la Sécurité nationale (SGDSN) a, en effet, revu ses plans d’action après les attentats du Bataclan. Depuis, de nouveaux acteurs comme les équipes de protection des navires à passagers (EPNAP) et les gendarmes des pelotons de sûreté maritime portuaire (PSMP) ont été intégrés au dispositif Piratmer. L’objectif est dorénavant de privilégier la rapidité d’action en attendant l’intervention d’unités spécialisées, dans le but de contenir au plus vite les terroristes. Disposer d’une antenne du GIGN située à proximité de la façade méditerranéenne avec une capacité d’intervention CTM donne aujourd’hui tout son sens au dispositif. L’équipe située dans le Vaucluse peut être projetée très rapidement et dispose de moyens significatifs pour faire face à la menace en attendant le déploiement des commandos Marine et du GIGN. 

Afin de driller les équipes d’Orange aux actions CTM, des exercices sont organisés tout au long de l’année. L’unité a pour habitude de s’entraîner seule ou en coopération avec le GIGN et la force maritime des fusiliers marins et commandos (FORFUSCO). Lorsque l’antenne intervient aux côtés des gendarmes du Groupe et des commandos Marine, elle assure principalement le soutien de ces derniers. Bénéficier d’un appui à bord d’un ferry de 3 000 passagers est un atout essentiel lorsqu’il est nécessaire de débusquer des terroristes et de passer un navire au peigne fin. Les exercices Esterel et Armor sont l’occasion de tester les procédures d’intervention et la coordination de l’ensemble des acteurs (unités d’intervention spécialisées soutenues par des moyens aéromaritimes de la Marine nationale et de gendarmerie). L’antenne GIGN d’Orange a participé à son premier exercice majeur fin 2017 en Méditerranée. Elle est aujourd’hui mobilisée régulièrement pour ce type d’entraînement. 

En dehors des exercices majeurs effectués en mer, l’unité s’exerce également à intervenir en milieu fluvial. Rien n’a été omis du côté des plans de prévention et l’antenne d’Orange peut également être mobilisée pour intervenir sur une péniche qui navigue sur le Rhône ou ses affluents, en cas d’attaque terroriste. Différentes techniques sont mises en œuvre pour investir ce type d’embarcation. Les passages à bord des péniches sont exigus, et les recoins nombreux, ce qui complique les choses lorsqu’il est nécessaire de fouiller l’ensemble des compartiments. 

Du côté du matériel, l’antenne GIGN a perçu récemment tout un lot de combinaisons étanches d’intervention pour les actions CTM. Les gendarmes sont ainsi protégés en cas de chute lors de la dépose des sticks ou des manœuvres sur le pont des navires.

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Alexandre ALATI